Un objectif, c'est quoi ?

Lorsque j’ai commencé dans le métier de thérapeute, j’avais toute une boîte à outils et on m’avait souvent répété « sois stratégique ». Je ne savais pas trop ce que ça voulait dire, du coup j’ai passé pas mal de temps (et je continue), à déterminer comment utiliser mes outils dans une stratégie globale d’accompagnement.

Comment est-ce que j’accompagne quelqu’un aujourd’hui ?

Souvent, je commence par demander à la personne : « Pourquoi vous êtes ici ? », puis en gros « quel est le problème ? ». C’est une question plus complexe qu’il n’y paraît, car en effet, comment est-ce que je sais si c’est un problème pour la personne ? Posez-vous la question vous-même : comment savez-vous quand vous avez un problème ? Beaucoup de gens, à cette question, vont répondre quelque chose qu’ils imaginent être la réponse, quand en réalité il s’agit d’une construction purement intellectuelle. « Oh moi, je mange trop et c’est depuis que je suis enfant, à cause de mon rapport à mon père ».

Ici, en hypnose, nous avons toutes les questions du méta-modèle pour interroger ce genre de phrase, « comment le savez-vous ? », « qui l’a dit ? », etc. Mais que cherche-t-on exactement ? Comment sait-on, avec certitude, que c’est un problème ? Un enfant est capable de répondre facilement à cette question « bah c’est quand je me sens pas bien quand j’y pense ». Et c’est exactement ce que je cherche à cette étape : une émotion désagréable que la personne vit quand elle pense à son problème.

Certains praticiens évitent même de demander à la personne pourquoi elle vient et posent directement la question intéressante : « ne me dites-rien, et pensez juste à votre problème. Qu’est-ce que vous ressentez ? ». Honnêtement procéder de cette façon fait bien gagner 20min d’anamnèse quand on débute… Si la réponse est « rien », dans ce cas ou bien il n’y a pas de problème (ce qui arrive plus souvent qu’on ne le croit, et dans ce cas le but de l’accompagnement va être d’aider la personne à s’en rendre compte), ou bien la personne est dissociée de son émotion (ce qui va également poser problème par la suite puisqu’elle ne peut pas transformer l’émotion si elle en est coupée). Dans ce cas, en général je tente de la ré-associer « et qu’est-ce qui se passe dans le corps à ce moment là ? quelle émotion vous ressentez ? quand vous imaginez le problème, comment faites-vous ? Puis j’utilise les sous-modalités données pour aller vers l’association, exemple « je me vois faire quelque chose » => « et quand vous vous imaginez en train de le faire comme si vous le viviez maintenant, depuis l’intérieur de la scène, ça donne quoi ? »

Une fois que je suis certain qu’il y a un problème, on m’a appris à la base que la question suivante doit en gros créer une structure solution à ce problème, avec des questions du type « de quoi vous avez besoin ? ». Cette étape m’a longtemps posé problème, parce que je l’avais mal comprise. On ne cherche pas une solution pratique à ce problème en posant cette question. On cherche à savoir « comment cette émotion que vous ressentez devrait être. Et comment on passe de là où elle est à là où vous voulez qu’elle soit ». Sauf qu’en faisant ça on saute une étape que je trouve cruciale : ok, on a trouvé un problème. Maintenant comment on sait que la personne peut le résoudre ? Qu’est-ce que ça veut dire, en fait, « résoudre un problème ? ».

Quand quelqu’un nous dit : « Je suis sdf, je n’ai aucun diplôme et pas de famille ni d’amis en mesure de m’aider, je n’ai plus aucun espoir et là j’ai envie de mourir, c’est ce que je ressens quand je pense à ma vie ». C’est quoi notre rôle d’accompagnant ? L’aider à trouver des solutions pratiques pour sortir de la merde ? Y a sans doute des associations avec des assistantes sociales qui seront bien mieux placées. C’est transformer l’émotion pour qu’il ait envie de continuer à vivre ? « Euh, et euh, ça devrait devenir de quelle couleur ce ressenti pour aller mieux ? » : on sent bien que ça ne va pas suffire de transformer l’émotion là, et que ça ne va pas être suffisant pour changer sa vie.

Il y a en fait un truc assez important qu’il ne faut pas négliger à mon sens, et c’est une étape pleine de conséquences sur les croyances dans le changement. « Quelle est votre responsabilité dans ce qui vous arrive, et qu’est-ce que vous pouvez changer ? ». Désolé de vous dire que parfois, la réponse est « je ne peux objectivement rien faire pour changer mon environnement ». Une personne en phase terminale de cancer ne peut plus « résoudre » son problème de cancer. La seule chose qu’elle peut (peut-être) faire c’est changer la façon dont elle finit sa vie.

Alors bien sûr avec ces exemples ça paraît évident, mais en réalité on est remplis de croyances qu’il faut que la personne résolve son problème. Du coup il est souvent nécessaire d’ajouter une étape très importante ici dans le questionnement : « qu’est-ce qui dépend de vous dans ce problème ? ». On croise souvent ici les tenants du développement personnel qui prétendent qu’on « crée notre réalité et qu’en changeant l’émotion intérieure ça va influer sur le monde ». Désolé mais changer l’émotion intérieure ne va pas changer le fait que la personne est en train de mourir à 95 ans d’un cancer des poumons après avoir fumé 80 ans.

En hypnose on a plein de façons d’aider la personne à répondre à cette question. En fait elles reviennent toutes à la même chose : aider la personne à créer une représentation mentale qui représente le système de son problème. Il y a les sous-modalités, la ligne du temps, etc. Tout ça sert à quoi en fait ? A permettre à la personne de se représenter les choses, pour pouvoir ensuite répondre à la question « ok, et toi dans tout ça, tu peux faire quoi ? ».

Du coup par rapport à la première étape c’est assez simple en fait : « ferme les yeux. Qu’est-ce qui vient comme émotion ? ».

Ensuite si on veut par exemple partir sur une ligne du temps pour obtenir une représentation systémique (transformation sensation -> visuel) : « Ok maintenant que tu l’as, qu’est-ce qui y est associé ? Quelles images? Quelles sont les scènes liées ? Si tu mets tout ça dans l’espace autour de toi c’est où ? Et si tu dézoomes qu’est-ce que tu peux rajouter dans l’espace qui est en rapport avec ça ? Elle a quel âge cette émotion ? »

Si on veut une représentation auditive : « qu’est-ce que tu te dis quand tu ressens cette émotion ? »

Le but ici est d’avoir une représentation mentale la plus complète possible pour que la personne puisse ensuite définir sa place, son rôle dans tout ça. Et surtout ce qui est réellement possible comme solution.

Si on saute cette étape, on va souvent avoir des « Je suis trop gros. Je me sens mal quand j’y pense. Ah bah la solution serait de moins manger c’est sûr. Quand je mange moins je me sens bleu foncé, alors que sinon c’est vert. Comment passer de vert à bleu foncé ? Ah euh, bah euh je sais pas trop là. » => comment sait-on ici que la solution c’est de moins manger « BIEN SUR » ? 😉 On ne le sait pas, parce qu’ici le client vient de parler de sa tentative de solution habituelle quand il pense à ce problème. Il est repassé dans sa boucle automatique et on a complètement zappé la systémie du problème.

Donc en résumé :

Etape 1 : vérifier qu’il y a un problème grâce à une émotion
Etape 2 : aider la personne à se représenter son problème pour qu’elle puisse déterminer ce qu’elle peut faire et ce qu’elle veut
Etape 3 : créer une structure « solution » qui part de la représentation faite à l’étape 2

Une fois défini le problème et la solution, on peut ensuite passer à la suite de l’accompagnement, et c’est ici qu’on va avoir besoin des leviers de changement.